Journées de Bruxelles : « Le libéralisme a-t-il tué l’Europe »

La première conférence de vendredi réunissait Thomas Piketty (économiste spécialiste des questions fiscales), Paul Magnette (bourgmestre de Bruxelles) et Joachim Alumnia (commissaire européen à la concurrence) autour de la question « le libéralisme a-t-il tué l’Europe ? »

 

Sans changements des institutions pas de politique économique commune
Premier constat, aucun des intervenants ne s’attarde sur le thème  initial. Tous préfèrent discuter des changements institutionnels nécessaires pour  une politique économique commune en Europe. La priorité ? Un parlement fort et une commission plus ouverte au débat pour Paul Magnette. Le maire de Bruxelles insiste sur la légitimité et la responsabilité (accountability) de la commission européenne et en particulier de son commissaire aux affaires économiques Oli Rehn, « aujourd’hui nous ne savons pas vraiment qui est responsable (« accountable ») de la politiques économique de l’UE et devant qui ? ». L’Europe est impopulaire, dit-il, parce qu’elle n’apparaît pas comme un lieu d’échange et de débat. Elle impose sa pensée unique et l’orthodoxie économique de Mr Rehn en est le symbole. La Commission pense seule, hors de tout contrôle citoyen.

Quand il est sollicité, Thomas Piketty est inaudible, il marmonne dans sa barbe puis relève son micro et un point intéressant : le conseil des chefs d’états, officiellement baptisé Conseil de l’Europe, ne peut pas débattre et prendre des décisions constructives sur les sujets les plus importants. Tout d’abord, les questions les plus cruciales comme par exemple l’impôt commun sur les entreprises, se décident à l’unanimité. Ensuite, la structure même du conseil ne permet pas d’avancer. La réunion des chefs d’état ne permet pas d’aller au fond des choses. A eux seuls, ils ne représentent pas les différentes opinions de leur pays. Impossible donc, de prendre des décisions trop engageantes au nom de leur pays. Thomas Piketty suggère que des représentants des parlements nationaux participent au processus de décision. Une solution qui permettrait d’approfondir les domaines de coopérations et d’instaurer un organe de pilotage efficace et représentatif de chaque état membre.

 

Pour en finir avec l’ultra-libéralisme, il faut en finir avec la règle de l’unanimité ?

Et le libéralisme dans tout ça ? Depuis le début, le sujet est évité. Thomas Piketty marmonne bien qu’il est en faveur de l’enrichissement par les échanges ensuite plus rien. Les questions de l’audience vont rappeler les intervenants à l’ordre. Caché parmi l’audience, Pascal Lamy est repéré, on lui demande d’intervenir et d’expliquer ce qu’est le libéralisme. Il précise qu’en fonction des langues et des culture, le mot possède un sens bien différent. Pour les Français, le libéralisme est un pêché car il est synonyme de dérégulation. Pour les anglo-saxons, « liberalism » signifie seulement développement des échanges et il n’est pas automatiquement associé à la « deregulation ». L’enjeu pour l’Europe conclut-il est d’ouvrir les frontières pour créer un espace de libre échange ou les mêmes règles s’appliquent à tous. Elles ne doivent en aucun cas disparaître  mais s’harmoniser pour permettre une compétition plus juste.
Pour  cela, ajoute Paul Magnette, il faut en finir avec la règle de l’unanimité : « En réalité, au moment ou le Royaume-Uni a renégocié ses conditions d’adhésion dans les années 1990 puis lors du traité de Maastricht, Margareth Thatcher a fait en sorte que les domaines qui l’intéressaient, à savoir l’abaissement des tarifs douaniers, étaient décidés à la majorité pour que les choses avancent. Pour les autres domaines, où elle était plus hostile à toute réglementation européenne, comme la fiscalité ou le droit du travail, elle a imposé l'unanimité. La conséquence c’est que l’Europe n’a plus avancé dans ces domaines-là. Or pour que le marché unique fonctionne et soit juste, il faut un certain nombre de règles communes. Comment imaginer un marché unique juste avec 27 taux d’imposition différents sur les entreprises ? Il faut en finir avec cette asymétrie institutionnelle entre  questions économiques et sociales».

 

Des réformes qui permettraient donc de réguler après avoir beaucoup dérégulé. Une idée intéressante qui rencontrera sûrement beaucoup d’adversaires à travers l’UE.

 

Le mot de la fin est pour Jean Gabin. Dans le film le Président d’Henri Verneuil, il est Emile Beaufort, Président du Conseil et s’exprime ici devant l’Assemblée Nationale. Une leçon d’Europe et de démocratie.

 

 

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